Mardi 6 avril 2021
À propos de La disparition de Jim Sullivan, de Tanguy Viel. J’ai lu la première moitié du roman avec un grand enthousiasme. Le choix de l’auteur de parsemer l’histoire de commentaires du narrateur/auteur sur ses choix d’écriture, cette mise en abyme donc, est plus que maligne : elle est audacieuse et risquée. Sans parler de l’humour que le procédé permet de distiller. Pour tout cela j’ai ressenti à la lecture une espèce d’immense gratitude pour l’auteur, une joie enfantine.
« Moll s’était sentie obligée de récurer la douche avant d’y entrer – j’insiste sur certains détails, non pas qu’ils soient importants en eux-mêmes mais parce que j’ai remarqué qu’on n’écrit pas un roman américain sans un sens aiguisé du détail, que la saleté de la douche ou le ressort grinçant du matelas ou bien la lumière de la lune qui tombait sur le visage inquiet de Dwayne, ce devait faire comme des flèches que j’aurais lancées dans le coeur du lecteur. »
Puis soudain, au milieu du roman, plus rien du tout. Ni joie, ni plaisir de la découverte, juste l’envie de refermer le livre. J’ai failli le faire mais j’étais à vrai dire partagée. Était-ce encore ma terrible manie d’arrêter la lecture dès que j’ai (un peu) le sentiment d’avoir compris comment ça marche, comment le texte marche ? Était-ce ma fichue superficialité, qui me fait inexorablement m’émerveiller puis me lasser, comme un setter irlandais courant en tous sens d’un papillon à l’autre dans un champ de coquelicots ? Non, pas cette fois, puisque mon apathie soudaine, bien que forte, n’était pas totale. C’était autre chose. Cette autre chose, c’est le sentiment soudain qu’à ce stade du roman tout était joué pour le personnage. D’un coup, on comprenait que l’affaire était pliée, et qu’il était désormais inutile d’envisager une quelconque amélioration de sa situation. Par je ne sais quels moyens, T. Viel est parvenu à le faire saisir, là, au milieu du texte. Alors il m’a fallu passer outre cette certitude pour poursuivre ma lecture. Il a fallu avancer ainsi, avec cette absence d’espoir. Pas facile, ça. J’ai attendu un jour ou deux je crois. Puis j’ai repris le livre et je l’ai terminé. Dans la foulée j’en ai commandé un autre, Article 353 du code pénal, qui m’a été maintes fois conseillé.
4 commentaires sur “2 – échapper à Jim Sullivan”