Dimanche 23 mai
J’avais déjà vu un film de Jafar Panahi il y a quelques années mais n’avais pas retenu le nom de ce réalisateur iranien. Alors, même s’il joue son propre rôle dans Trois visages et y est souvent nommé, je n’ai donc pas tout de suite fait le rapprochement avec cette saisissante histoire de jeunes filles se déguisant en garçons pour aller voir un match de football dans un grand stade de Téhéran dont l’accès leur est interdit. Mais il y a dans ce nouveau film, éminemment reconnaissable, cette même approche, si singulière et pour tout dire si douce, des problèmes auxquels se heurtent ses personnages, les femmes en premier lieu. Le réalisateur semble en effet avoir totalement épousé leur cause, au point de devoir vivre enfermé et tourner en secret dans son propre pays. Depuis presque quinze ans les conditions de tournage sont difficiles puisque dangereuses ; les femmes d’Iran quant à elles subissent toutes sortes d’oppression. Les héroïnes de Jafar Panahi se battent fièrement, perdent parfois, menacent de se tuer, courent se cacher pour éviter les coups. Elles déploient surtout une grande ingéniosité pour contourner les lois comme le réalisateur lui-même fait ses films, c’est-à-dire avec les moyens du bords, les occasions qui se présentent et les gens qui voudront bien donner un coup de main. Certes, on voit ces femmes se confronter à la haine que leur portent les hommes, mais plus souvent encore elles font face à la passivité molle, un peu minable mais presque attendrissante de la plupart d’entre eux, une inertie dans laquelle elles parviennent alors à s’engouffrer comme dans une brèche du système, un petit trou du filet de but. De tout cela, de cette violence des relations et des inégalités naît, étrangement, une certaine tranquillité. La punition, la fuite et les lamentations adviennent avec la même douceur que pourrait le faire leur exacte opposée. Je crois même que quelque chose s’amuse. On le sent, c’est palpable, on est ici toujours à deux doigts du bonheur. Scène après scène, Jafar Panahi offre le temps d’éclore à l’inextinguible joie de vivre.
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