Samedi 23 avril
Contre toute attente c’est un film français que j’ai réussi à regarder, moi qui pourtant rêve de me retrouver devant un Die Hard afin de rendre hommage à ce bon vieux Bruce Willis. Pour l’un comme pour l’autre et pour des raisons différentes, la période s’y prête.
Sur Alice et le maire, quelques éléments notables :
– le talent et sans doute le charme d’Anaïs Demoustier – ou le personnage qu’elle incarne -, qui transpirent dès lors qu’est filmé son visage, plein de vie et de taches de rousseur ; intelligent, volontaire, en contraste avec son corps de trentenaire très parisien, ou grandes écoles, dans une sorte de cliché, trop sage et polissé (il est longuement filmé, sans doute à dessein, dans la toute première scène).
– l’effacement étrange de Luchini, quasi absent même, alors qu’il aurait pu nous donner à voir un Georges Frêche ou même un Jean Lassalle, dans la plus pure tradition des baronnies locales. J’imagine qu’il a dû vouloir jouer ainsi le désarroi de son personnage un peu dépressif. Mais c’est mal mesurer la dimension « auto-imitative » des hommes politiques : chez eux, quoi qu’il arrive (et sans vouloir faire de mauvais esprit) le spectacle doit continuer.
Globalement, on a là un film qui flirte avec le banal, voire une certaine fadeur, mais crée régulièrement des percées heureuses. Mais le personnage du maire, il me semble, n’y parvient jamais.
– la scène de l’écriture du discours, d’autant plus forte que le discours ne sera finalement pas prononcé à cause du soudain défaut de courage du maire (« On avait une fenêtre de tir, on l’a ratée »). Cette idée, la préparation longue et tendue d’un discours suivie de sa tombée aux oubliettes, est potentiellement géniale.
La scène d’écriture me rappelle celle qui m’avait tant marquée dans Amadeus, où naît Le requiem. Il faudra sans doute que je trouve un lieu où écrire une scène de ce type puisqu’ils me plaisent tant, ces récits d’élaboration collective. Ici, ce qui marche très bien est la mise en place d’un jeu de parole entre Alice et le maire. L’alternance des locuteurs permet d’avancer dans la lecture du brouillon, sa correction, la nouvelle version, les retours, les hésitations et les choix définitifs en une sorte de chorégraphie. Le rythme produit est très intéressant. On est emporté par la parole comme si elle était une musique, le sens en sus. Il y a dans ce passage une attention portée aux mots, qui pourrait, je crois, être encore plus précise, aller encore plus loin, jusqu’à atteindre une forme de paroxysme. Un roman en tout cas se prêterait parfaitement à une telle tentative.