Mercredi 27 avril
Vu un documentaire montrant grâce à plusieurs expériences scientifiques comment nous formons nos jugements et nos opinions à travers des biais cognitifs. Comment, lors d’une conversation y compris avec des proches, des intimes, ou au détour d’articles ou de documentaires (!), notre premier mouvement consiste à ne retenir (au sens propre du terme : le cerveau n’enregistre) que ce qui confirme nos idées préalables et rejeter (il élimine de notre champ de perception) ce qui les contredit. Cela je le savais, j’ai tendance à penser qu’on ne convainc jamais les autres, du moins pas au terme d’un simple argumentaire, aussi solide soit-il. Mais voir, IRM à l’appui, la mauvaise foi au travail, la voir agir de façon automatisée et, disons-le, indépendamment de toute volonté de la personne, c’est carrément déprimant. Surtout, chose étrange pendant ce film à portée générale, volontairement impersonnelle : je me suis vue soudain agir de la sorte, dans des circonstances tres précises. Mes propres réflexes, mes arrangements avec certains faits du quotidien m’ont sauté à la face. Quelle claque.
D’accord. On se ment : pas bien. Mais en allant tout à fait au bout, c’est (plus) compliqué, cette affaire. Car si on est réceptif à toute opinion contraire à la nôtre, si on se tourne toujours, telle une girouette affolée, vers le dernier avis articulé, alors on ne croira en rien. Et si on ne croit pas à certaines choses de manière un peu soutenue, quitte c’est vrai à se mettre des œillères, alors, me semble-t-il, on ne pourra plus agir. Ces biais cognitifs, aussi haïssables soient-ils à qui souhaite sincèrement comprendre le point de vue de l’autre et se montrer lucide en toutes circonstances, n’ont-ils pas tout de même une utilité ? Le documentaire ne l’évoque pas. Pourtant c’est une évidence.
Si je m’en tiens là, je risque de donner le sentiment que mes biais cognitifs me font rejeter une information qui me dérange. Ainsi en niant l’existence d’un problème je je reproduirais le problème en question. En le niant j’illustrerais ce que je nie. Alors on va dire les choses autrement. La véritable question est désormais de savoir quel ratio lucidité/mauvaise foi constitue un bon équilibre – un équilibre idéal – pour la pensée.