Samedi 11 juin
De tous ceux que j’ai pu voir ce sera donc Loulou. Voilà un film lumineux, plein d’humour, où l’on sent de manière quasi physique la joie du couple à se retrouver ensemble. Voilà : le bonheur amoureux c’est ici, avec le rire et la déconne, le sexe et l’alcool. Et le partage de tout, absolument : les dangers, les projets, les fous rires, les mégots, le lit, la peau, la salive. « Quelqu’un c’est des heures », écrivait Mathieu Larnaudie dans son premier roman prometteur. Rien de plus juste. Loulou ancre savamment le passage du temps dans la formation du couple.
Comme souvent chez Pialat, le casting est excellent, si ce n’est Guy Marchand qui ne parvient jamais à passer pour un véritable bourgeois, sauf lorsqu’il s’en va, silencieux, avec son grand manteau – cela dit, il n’est pas impossible de considérer ce décalage comme volontaire et par un effet inverse, d’autant plus intéressant. Depardieu et Huppert, actrice dont il faudra que j’évoque un jour la grandeur du jeu, sec et fantasque, nous tiennent jusqu’au bout. Les deux individualités sont à la fois pleines d’elles-mêmes, peut-être même imbues, et parfaitement vouées l’une à l’autre. Leur ajustement est un petit miracle. En outre, là encore comme souvent chez Pialat, les interactions avec de multiples seconds rôles maintiennent l’intensité des situations en dehors de la chambre d’hôtel.
Se trouve enfin une scène mémorable, qui renforce le couple en l’immergeant dans le milieu de l’un des deux, tout en en accentuant l’incompatibilité sociale. Cette tension fabrique du drame. Tout ici est beau et sonne vrai. J’ai bien peu à en dire, il faut juste regarder. Alors, au milieu de la bouffée de vie qu’on se prend au visage, entre l’attaque d’une poule par le chien de la maison et celle, par le beau-frère jaloux, d’un copain invité, la manière dont Nelly, sentant son éloignement soudain, approche de ses lèvres les doigts de Loulou est magnifique. D’une justesse poignante. Dans ce moment aussi doux que cruel, Loulou et Nelly n’apparaissent déjà plus tout à fait comme les deux doigts d’une main. La main et la bouche de l’une sur les doigts de l’autre tentent de retenir l’amour, l’intimité et même s’il le faut l’inquiétude, du moment qu’elle est amoureuse. Cette main voudrait tout garder. Lutter sans mot dire contre l’éparpillement qui précède, inéluctable, une séparation. À son retour à Paris, Nelly se fera avorter.
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