Dimanche 2 mai
C’est amusant, ce court spectacle de danse a autant de qualités que de défauts. Or précisément, les uns comme les autres sont ceux me semble-t-il d’un fait unique, d’un fait commun et que l’on nomme jeunesse. En général le concept de jeunesse m’importe peu. C’est sans doute ce qui arrive à ceux qui se trouvent entre deux âges, dans ce qui est devenu une sorte d’immense zone grise, et qui rend susceptible de balancer d’un côté ou de l’autre du temps selon les circonstances, l’envie et l’humeur du moment. Rien n’empêche alors d’écouter un jour le très respecté et très établi Steeve Reich et, le lendemain, un concert aux sonorités proches d’un générique de dessin-animé comme c’est le cas ici.
Mais en réalité, la jeunesse, mon univers mental en est totalement privé : dans les faits, les livres que je lis, les films que je vois ne sont pas, ne sont jamais des oeuvres de « jeunes ». Dans ces conditions, l’énergie qui se dégage ici apparaît comme une énergie presque oubliée, elle éclate à la face avec une sorte d’étrangeté : c’est cette énergie juvénile si particulière, qui s’exprime par le besoin vital de faire groupe, par des poses cool, la rebel attitude. Il y a dans la troupe une danseuse qui évolue dans la zone grise. Il faut être attentif pour l’apercevoir : elle est souvent en arrière, le visage concentré et grave, les caméras ne s’attardent pas sur elle. Elle est là mais ne compte pas vraiment. La jeune femme rousse mise en avant est quant à elle parfaite. Elle sort de l’enfance et semble jubiler. Ce spectacle est le spectacle de la jeunesse qui se gorge d’elle-même et je vois bien qu’elle nous emmerde. Elle est belle, crispante, adorable, risible, puissante. Et ça fait du bien aussi de renouer avec elle.
Donner une dimension politique à la danse contemporaine est devenu au fil des ans un passage obligé, comme si cet aspect était absolument nécessaire à sa légitimation tant par les critiques que par les spectateurs. Il ne faudrait surtout pas que le spectacle de gens qui dansent soit une perte de temps pour un public résolument bourgeois et qui, on le sait, doit tout rentabiliser, jusqu’aux plaisirs auxquels il accède… Il me semble au contraire essentiel de savoir jouir de l’absence de parole et du seul mouvement des corps. Ce silence – l’arrêt de la pensée – est une chance même. Il faut goûter cette disparition momentanée de la politique, de ce vide, de ce repos mental. Ils sont toujours trop courts. Non donc, ici il n’y a rien de rien à retirer pour plus tard : il s’agit simplement de s’immerger dans la joyeuse affirmation de la jeunesse par elle-même. On ne trouvera rien à retenir car cette jeunesse-là ne sait que filer – si ce n’est, et très intensément encore, son souffle, pour faire corps avec elle de 10min30 à 22min. Quelques minutes parfois suffisent à l’exaltation.