Mardi 1er février
Il y a trois choses excellentes dans Amadeus, que je n’avais pourtant pas tenu pour un grand film lorsque je l’ai vu adolescente. La première, d’ordre purement esthétique, je m’en souvenais et constate l’aimer toujours :
– la vision dès le début du film de ce très vieil homme, blessé au cou, aux doigts recroquevillés par l’arthrose. Le Salieri tombant à terre puis, plus tard, narrant ses déboires dans sa chambre d’hospice m’a toujours semblé beau et terriblement émouvant de gestes et d’expressions empêchés (par l’âge et sa blessure dans l’histoire, par les couches de maquillage sur le tournage). Je suis certaine qu’il a inspiré à Ford Coppola son non moins sublime (je parle encore du personnage, pas du film) Dracula. Peut-être un jour faudra-t-il que je m’interroge sérieusement sur mon amour sans réserve de ce kitsch-là.
– Ses plaintes mêmes, cruelles et justes : « Tout ce que je voulais, c’était célébrer Dieu. Il m’a donné ce besoin puis m’a rendu muet. Pourquoi ? S’il ne voulait pas de mes louanges, pourquoi m’avoir implanté ce désir comme de la concupiscence ? Pour ensuite me priver de talent ? »
– La scène d’écriture du Requiem sous la dictée de Mozart. Deux professionnels au travail. Simple, lumineux. Aujourd’hui encore, il y a une grande émotion à voir la célèbre partition se construire ainsi. L’idée de l’écriture par Salieri, avec l’ajout successif des parties instrumentales, que le spectateur entend en même temps que Salieri les imagine, me semble assez géniale. Didactique et géniale. Une telle association est rare de ma part. Mais voilà, on dirait que ma mue est bien entamée.