Dans un tout autre genre, cette compagnie, de danseurs je crois, le Galactik Ensemble:
En plus d’être drôle, tout y paraît très malin. C’est que la technique sert parfaitement le dispositif narratif (ce qui se raconte).
Au passage, il est amusant aussi de constater que spontanément, et pour une raison qui m’est inconnue, le cerveau est plus prompt à imaginer le sol bouger que les murs.
Il existe un autre groupe très fort pour ça, pour « faire raconter la technique » (et la mener droit au lancer de peinture). Musique moyenne mais clips géniaux : c’est OK go.
Le hasard relatif de Twitter m’a amenée à écouter une série de morceaux de musique en réponse au tweet d’un abonné. Ils étaient de styles très différents mais se sont avérés tous assez, voire très bons. Ça fait partie des surprises dont sont capables les réseaux sociaux quand pour une raison ou une autre, une communauté éphémère s’y forme et produit à la fois du jeu et de la qualité. Mais parmi la masse des chansons une se distinguait. Alors en tirant un peu une pelote est venue. La pelote s’appelle Ratatat. J’ai donc découvert un groupe, qui existe probablement depuis 25 ans et passe sans doute sur Faubourg Simone à rythme régulier, bref un summum de branchitude, mais peu importe, c’est magnifique et ça me fera au moins les dix prochaines années. Quel bonheur d’avoir trouvé cette manne.
Compliqué, de dire ce qu’on aime dans telle ou telle musique. Là ce serait disons le côté profond, ancré, et le côté aérien. L’absence de paroles. Ainsi que la capacité à donner progressivement et sans en avoir l’air, dans l’espace de la répétition, de l’intensité aux morceaux. Il y a une grande finesse dans la composition.
Trois propositions, mais à vrai dire tous les morceaux entendus pour le moment sont plus beaux les uns que les autres. Plus exactement, c’est comme une variation infinie sur un même son. Si on n’aime pas l’un, alors il me semble que c’est qu’on n’en aime aucun : 1) Cream on chrome, celui par lequel je suis rentrée – 2) Lex et 3) Gettysburg ou Wildcat. Et puis celui-là également et le plus remuant Nightclub Amnesia dans l’album Magnifique. Mais aussi globalement tout l’album Classics.
Blackroc est le nom d’un album (que je découvre) du groupe de blues rock The Black Keys (que je découvre), qui a réuni quelques grosses pointures de hip-hop (d’où son nom). Le résultat est vraiment très bon ; et c’est amusant de reconnaître comment chacun apporte sa touche dans les chansons : riffs de guitare omniprésents, rythmes, voix, etc. Il y a quelque chose d’extrêmement sympathique dans cette assemblée de musiciens.
On trouve aussi facilement en ligne des extraits de répétitions et d’enregistrements, comme ici avec RZA ou Mos Def. Belle surprise.
Lost in Traplanta est une petite série documentaire qui a de quoi réjouir. Non seulement elle est pleine d’humour, mais elle montre un monde auquel on a peu accès, à savoir la communauté noire du sud des États-Unis. Le documentaire retrace le parcours d’Outkast, le célèbre groupe formé à Atlanta en 1992 par Andre 3000 et Big Boi et dont l’influence plâne encore sur toute la ville. Eux sont partis vivre ailleurs depuis longtemps, mais Larry enquête et retrouve des collaborateurs occasionnels et des proches, en même temps qu’il découvre l’actuelle vie musicale d’Atlanta. Malgré le ton comique du film, on perçoit parfaitement comment les jeunes hommes – peu de femmes apparaissent si ce n’est les danseuses de la boîte à la mode de la ville : le sexisme visiblement fait loi – se sont débrouillés il y a vingt ou trente ans, à l’époque où les membres d’Outkast se sont rencontrés, et comment les générations suivantes ont dû se débrouiller elles aussi par le deal et la musique. Toute cette communauté est depuis longtemps livrée à elle-même. Et la pauvreté de ses membres n’est pas que matérielle, elle est aussi et surtout intellectuelle. Pour autant, et c’est ce qui rend ce film si enthousiasmant, certains ont su développer une expertise propre, une pratique musicale dont ils tirent une sorte de joie désillusionnée. Ils ont inventé la trap music, apparentée au reggae mais qui, par son côté à la fois glauque, fatigué et érotique, me semble avoir davantage à voir avec le trip-hop. Il ne s’agit pas de faire preuve d’une naïveté béate. Ici c’est le mélange constant de dénuement extrême, d’abrutissement – nombre des interlocuteurs de Larry sont défoncés – et malgré tout, d’énergie qui est le plus touchant. Les plus jeunes, explique un vétéran, ne parviennent plus à faire évoluer leur musique. Il assure qu’aujourd’hui la trap d’Atlanta piétine car les instruments ont cédé la place à des beats pré-enregistrés. Mais on n’est pas obligé de croire ce discours pessimiste, qui est le propre des gens nostalgiques de leur propre jeunesse. La vie est bien là, toujours palpable. Et l’on peut espérer que le sud ait toujours quelque chose à dire.
Il faudrait expliquer quel effet y produit le principe de répétition qui le structure de bout en bout, et plus particulièrement le court passage de 2 : 25 à 2 : 58 – we’re double sixing it. Y retournant – au clip et au passage – je retrouve chaque fois un curieux mélange de jubilation et de tristesse. Jubilation, tristesse. Dans la répétition quelque chose à chaque fois est terrassé. Quelque chose est comme écrasé, à la fois par le redoublement et l’inévitable décalage qu’il génère. Autrement dit : terrassé par le constat de la répétition et de l’arrivée, dans la répétition, de quelque chose de nouveau. Jubilation et tristesse, toutes deux ensemble, concentrées dans l’apparition d’un double.
Cependant, pour bien faire, c’est-à-dire être plus précis encore, il faudrait connaître la chimie exacte que les répétitions visuelles et sonores opèrent dans le cerveau.