260 – bled

Mardi 18 octobre

Agréable découverte que celle de Bled number one du réalisateur franco-algérien Rabah Ameur-Zaïmeche. Tout de même, j’ai dû m’accrocher la première demi-heure, et ce pour deux raisons :

1) je trouvais l’image trop cheap. La gêne première, purement esthétique, vient notamment d’une certaine instabilité ; un tremblement de la caméra léger mais constant. Comme si l’on était dans un reportage où tout est filmé dans l’urgence. Pas tout-à-fait façon caméra à l’épaule, mais pas loin.  

2) à quelques exceptions près, il m’est difficile de m’intéresser aux traditions culturelles (cf la fête de village, ou familiale, le quotidien des personnages). Elles sont le temple des pires conservatismes. Quand elle renseigne sur des mœurs adaptés à travers les âges aux conditions de vie (climat, végétation, alimentation disponible), la culture d’un territoire est passionnante. Quand elles prennent la forme de règles gravées dans le marbre, les coutumes pèsent des tonnes. La frontière, ici, est ténue. D’autant que ce qui nous est montré s’avère un dispositif, pour ne pas dire un piège. Une sorte d’entonnoir qui se rétrécit sur le monde des hommes – monde particulièrement dur et malgré les apparences, très divisé, tourmenté et hostile envers tout ce qui ne lui ressemble pas. Les hommes dans cet espace s’entredéchirent littéralement.

Je suppose que de tels effets – le tremblement, l’étouffement – sont volontaires. À l’évidence le film s’emploie à entretenir l’inconfort. 

Puis je me suis un peu habituée à l’image, au rythme. À l’absence de musique aussi (intermèdes de Rodolphe Burger mis à part). Certaines scènes d’intérieur, silencieuses et avec une temporalité très singulière, m’ont rappelé Haneke. On retrouve cette façon si caractéristique de laisser les personnages entrer et sortir du cadre (cette fois immobile), tandis qu’ils vaquent à leurs occupations. Et c’est toujours très beau. Au passage je me demande ce que ça pourrait donner dans un texte. Je réalise que dans les romans, c’est le mouvement du personnage qui décide, pas le cadre.   

Pour revenir au film, il est intéressant dz saisir comme le drame s’installe, presque de côté, avant de prendre de l’élan jusqu’à devenir central. Pendant un moment les sources de conflit restent multiples, le film pourrait aller dans plusieurs directions. Puis quelque chose décolle, une ampleur nouvelle, quand on quitte le monde des hommes pour celui des femmes. Elles ne sont pourtant pas toujours plus tendres entre elles. Mais tout de même : l’horizon s’ouvre, un peu de vent se lève. Et l’on part suivre Louisa (sa « thérapie » – périple – concert). On respire mieux. Même : avec elle de mieux en mieux.   

La scène à la mer, qui fait la bascule, libère de la sensualité en barre. Celles à l’hôpital psychiatrique, jouées par de vraies patientes, sont magnifiques. Elles le sont parce que les femmes enfermées qu’on y trouve ont beau être « folles », elles n’en sont pas moins conscientes de la dimension sociale de leur situation. Cette lucidité impuissante est ce qu’il y a de plus déchirant ; leur capacité à en rire, même temporairement, de plus contagieux.

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